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merci pour ton superbe commentaire sur cette chanson des plus marquantes de dire straits. comme toi, sans comp
Par Anonyme, le 01.10.2025
l’interprét ation de joan baez arrive encore à magnifier cette magnifique chanson
Par Anonyme, le 18.06.2025
merci pour cette analyse tellement juste de notre génie poète.
ce fût un plaisir de vous lire
Par Anonyme, le 06.06.2025
merci pour cette traduction.
j'écoute très souvent cette chanson riche de ce message qui exprime la bêtise h
Par Anonyme, le 24.05.2025
je pense et même je le souhaite au plus profond de moi, qu'un jour une école de france pays initiateur des dro
Par Anonyme, le 02.10.2024
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Date de création : 08.07.2011
Dernière mise à jour :
24.11.2025
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Entretien avec Franck LINOL
Novembre qui agonise inonde de sa tristesse vespérale cette ville deux fois millénaire. Il fait déjà nuit en ce mercredi soir. Je navigue à vue dans la circulation dense du centre de Limoges. Franck Linol m'a donné rendez-vous rue Haute-Vienne à l'Hydropathe, bar à vin bien connu des lecteurs des aventures de l'inspecteur Dumontel. Je décide de changer de stratégie. Plutôt que de tourner en vain pour m'approcher de cette rue que je ne connais pas, je me gare à proximité de l'hôtel de ville et me rend à pied au rendez-vous. La ville éclairée m'apparaît assez agréable, la température clémente accentue cette sensation de bien-être. Passées les dernières marches je débouche tout en bas de la rue Haute-Vienne qui s'affiche en réalité comme une rue piétonne. Je laisse la boutique du CSP sur ma droite et monte au pas de charge vers le sommet de la rue. Tout au bout j'aperçois Franck Linol. Il me repère en approche. Nous nous serrons la paluche, ferme et franche, très semblable à celle de Claude Michelet. Son visage accueillant et son sourire amical me mettent à l'aise. Il me dit « l'Hydropathe est fermé ce soir, viens, nous allons nous installer dans ce bar là-bas ». Le bar en question c'est « le café 1900 ».
J'ai tellement aimé le personnage de l'inspecteur Dumontel et son créateur est si proche de lui que je ne sais pas à qui j'ai à faire, Franck Dumontel ou Franck Linol. Cinquante mètres plus loin nous nous installons dans ce café typique, vieux bois, plafond très haut, zinc d'époque et patron très souriant. Nous colonisons le fond de l'estaminet pour être tranquilles. Franck commande le carburant et nous débutons :
SV : « Carole je vais te tuer », c'est prometteur mais très direct comme titre ?
FL : Oui c'est un titre très direct. Le week-end dernier, lors du salon de Brive une lectrice est passée et m'a dit que c'était un titre très agressif. Oui, c'est un titre agressif, c'est un titre violent même! Cependant ce n'est peut-être qu'un fantasme...Le personnage qui s'appelle Alex, après une rupture très violente avec Carole, envisage, dans sa folie meurtrière,dans cette descente aux enfers, de tuer cette femme. Après plusieurs nuits d'insomnies, il en arrive à penser: "Carole je vais te tuer". Le lecteur, à la fin du premier chapitre connait cette intention... Mais est-ce qu’Alex va être capable de passer à l'acte ? Il y a un aphorisme d'Oscar Wilde que j'aime beaucoup, qui dit « est-il humain de tuer l'être qu'on aime » ? C'est toute la question du roman : cet homme ordinaire sera-t-il capable de réellement tuer cette femme?
SV : c'est un titre qui s'est imposé de lui-même ?
FL : En général, je trouve mes titres lorsque le roman est terminé. Il y a des auteurs qui ne peuvent pas commencer un livre s'ils n'ont pas un titre, je pense par exemple à Michel Tournier. Pour ma part, je relis mon manuscrit et j'essaye de trouver un mot, une expression, quelque chose qui puisse résumer la thématique du livre. Et bien sûr, qui accroche le futur lecteur!
SV : Je fais un petit retour en arrière avec « Rendez-vous avec le tueur », page 210 nous assistons à un entretien non pas avec un vampire, mais avec un psy qui parle des collectionneurs. Est-ce pour les flatter que tu as entamé une suite de polars avec un personnage récurrent ?
FL : (Il s'amuse et sourit) Ah ah, tu veux parler des lecteurs qui vont collectionner les romans ?
SV : Oui, la série des Dumontel.
FL : Ah ! Non, très honnêtement. Mais une question qui mérite d'être analysée est celle de la naissance de la série, qui est un pur hasard. Quand j'ai écrit le premier tome,« La 5ème victime », je n'avais absolument pas le projet d'en écrire un deuxième, et quand j'ai écrit le mot fin en terminant le premier manuscrit, j'ai ressenti un grand vide. Ce personnage me manquait. Et j'ai eu envie de le retrouver. J'ai eu d'autres idées et je me suis lancé. Mais ce n'était vraiment pas calculé. C'est ce sentiment de vide à la fin du premier tome qui a fait que j'ai eu envie de revoir ce personnage. Ensuite la dynamique s'est enclenchée un peu toute seule.
SV : Après c'est le public qui a fait le reste.
FL : Oui tu as raison. Si le public n'avait pas aimé le premier ou le deuxième, je pense que j'aurais peut-être écrit pour moi, mais la série n'aurait pas existé. C'est la conjonction de ces deux facteurs, le désir de l'auteur et l'adhésion des lecteurs, qui fait qu'il y a eu la série.
SV : Toujours dans « Rendez-vous avec le tueur », page 207 cette fois, le psy encore lui, expliqueà Dumontel que pour lui « Les flics sont les gardes du corps des riches et des puissants », c'est le psy qui parle ou c'est toi ?
FL : (Il se marre avec un petit sourire) C'est les deux! C'est une question intéressante. Il y a là un vrai paradoxe. Mon héros, Dumontel, est flic, bon... et il a un certain regard sur la société. Il a un certain âge, il a de l'expérience, il a bossé la nuit et il a vu la triste réalité de l'existence, bref il a vu la vraie misère. Il l'a vue comme personne ne peut l'avoir vue. Il n'y a que les flics qui peuvent voir la misère comme ça, ou les toubibs qui bossent aux urgences. Ils sont appelés à 3 heures du matin parce qu'il y a des couples qui se battent, des gens qui souffrent. Je pense que c'est la raison pour laquelle les flics sont très fragilisés dans leur métier, car il faut pouvoir supporter cette misère sociale, cette détresse humaine, la voir comme ça, sans filtre, à l'état brut. Dumontel a donc un regard très critique sur la société dans laquelle il vit. Les gens qui se foutent dans la merde avec la police ou la justice, sont des produits de la société. Les exclus d'une société très inégalitaire. L’inspecteur Dumontel ne supporte plus cette société qui dérive vers la barbarie. Mais, et le paradoxe est là, il reste un gardien de l'ordre social. Ce flic qui voit des choses insupportables a progressivement une conscience politique qui s'éveille. Ce qui fait que son boulot, il le fait avec un regard humaniste. Mais il a conscience qu'en même temps, il n'est pas éducateur. Il est flic! Il est là pour faire respecter l'ordre, mais l'ordre dans notre société c'est quand même l'ordre des puissants !
SV : Il se retrouve un peu avec le cul entre deux chaises, c'est être un peu schizophrène …
FL : Il y a des flics, j'en ai rencontré, qui exercent leur métier avec humanisme. C'est à dire qu'ils sont capables non pas d'interpréter la loi, mais de faire la part des choses. Avant d'appliquer de façon stricte la loi, ils ont ce recul, ce regard. Je ne suis pas dans la logique de dire: « les flics sont tous pourris », il y a des brebis galeuses partout. Mais voilà, Dumontel, il doit gérer cette contradiction. Ce n’est pas pour autant qu'il est schizophrène.
SV : Page 192 nous trouvons une très belle définition de « Pittoresque ». Est-ce qu'un prof peut apparaître pittoresque aux yeux de ses élèves ?
FL : Oui je pense qu'un prof peut apparaître pittoresque aux yeux de ses élèves s'il n'est pas dans la norme.
SV : S'il vient comme il est …
FL : Voilà, par exemple. Un prof est fonctionnaire, son travail c'est le service public, comme le flic d'ailleurs. Il doit rendre les missions de l'Etat. Donc je dirais que s'il est pittoresque, c'est peut-être qu'il a dépassé certaines limites.
SV : Mais être pittoresque ne peut-il pas le rendre plus attachant et donc plus efficace ?
FL : Alors qu'il soit authentique ! je préfère ce mot, pittoresque pour moi c'est le prof qui va venir avec une allure un peu provocatrice, un look bizarre, il va apparaître folklorique ! Alors que s'il est authentique, il va montrer aux élèves qu'il les comprend, qu'on peut dialoguer, qu'on peut communiquer. Voilà, c'est plutôt l'authenticité qui fait la force d'un enseignant.
SV : Pour toi il vaut mieux une bonne histoire ou un bon personnage ?
FL : Et bien je crois que c'est Gabin qui disait que pour faire un bon film il fallait trois ingrédients: " une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire". Pour moi, dans le roman, et pour le polar, c'est l'histoire qui prime. Mais ...il faut que les personnages soient réussis. Il faut que le lecteur puisse s'identifier à eux. Si c'est une bonne histoire, en général il y a aussi des personnages attachants. Pour résumer, il faut une bonne histoire et des personnages authentiques et attachants. Encore une fois le terme authentique revient...
SV : Au fil des pages de tes romans figurent de très beaux passages. Est-ce pour comme Frédéric Dard démontrer que le polar peut porter avec élégance des habits plus littéraires ?
FL : Alors...(il réfléchit) ça c'est une très bonne question. Au passage, Dard est un grand écrivain ! Pendant longtemps tu le sais, on a distingué ce que l'on a appelé la littérature blanche de la littérature noire. Je ne suis plus très d'accord avec cette distinction, mais c'était une époque où les auteurs, les écrivains, voulaient se distinguer de ce genre. Les critiques en contestaient même le terme de littérature. Ce genre état assimilé à une écriture de roman de gare. Ils considéraient quelque part que c'était de la sous littérature, de l'infra littérature, bref, on ne mélangeait pas les torchons et les serviettes. Désormais, le roman noir et le polar on fait leurs preuves. On voit de plus en plus des auteurs et des romanciers classiques écrire "du polar" ! Finalement, cette distinction n'a plus de sens. Il y a le roman ! Et le roman parle de la vie, le roman parle de nous, de notre difficulté à vivre. Il y a des bons et des mauvais romans, voilà ce que je pense. Il y a de mauvais romans noirs, de mauvais romans policiers et il y a de très bons romans "classiques". Mais je crois que cette distinction roman policier, polar, et autres romans ne fonctionne plus.
SV : Et ce côté littéraire avec des phrases vraiment très bien écrites comme je l'avais mentionné dans mon billet sur mon blog, c'est quelque chose qui t'est signalé par les lecteurs que tu rencontres ?
FL : Oui, les lecteurs me disent que mes romans sont agréables à lire...cela me fait plaisir ! J'ai une écriture assez spontanée, je ne cherche pas à être dans l'exercice de style. Je raconte une histoire et les mots viennent plus de mes entrailles que de mon cerveau. C'est un peu caricatural comme explication mais il y a un peu de ça.
SV : Sauf pour ton dernier roman « Carole je vais te tuer » tu as donné vie a un héros récurrent, est-ce pour faire plaisirà tes lecteurs ou bien parce que tu t'es attaché à lui? Je sais que précédemment tu as un peu répondu à cette question...
FL : Indiscutablement je me suis attaché à ce personnage. On me pose souvent la question de savoir si une série doit toujours s’arrêter, en faisant mourir le héros par exemple. Mankell ce grand auteur suédois que j'admire, a arrêté sa série dans son dernier roman « L'homme inquiet ». Kurt Wallander, son personnage principal a une maladie, il souffre de la maladie d'Alzeimer. On comprend qu'il ne peut plus exercer son métier de flic, il est âgé, et il va se perdre dans sa maladie, et c'est terrible comme fin ! Mankell a dit : « c'est terminé, j'arrête » ; il a même ajouté : « je ne supporte plus ce personnage ». Je n'en suis pas là ! Mais je sais qu'un jour cette question se posera. Elle se posera parce qu'une série, c'est aussi un enfermement. C’est la raison pour laquelle nous avons publié avec Geste « Carole je vais te tuer ». Je suis très satisfait d'avoir crée une série qui fonctionne, mais j’aimerais aussi que les lecteurs adhèrent à autre chose.
SV : L'avantage avec un héros récurrent c'est qu'on peut le laisser choir comme une vieille chaussette et le rappeler quand on en a envie.
FL : Oui, à condition de ne pas le faire mourir ! Effectivement, même s'il part à la retraite un jour, ça peut être intéressant. Par exemple Michaël Connely, le grand auteur américain : son personnage Harry Bosch est à la retraite, mais il reprend des enquêtes non résolues, sous un angle différent.
SV : En ce qui concerne Dumontel, quand on voit comment tu l'as construit, avec ses défauts, ses traits de caractère, on l'imagine plus s'arrêter par lassitude que par une fin tragique.
FL : Je ne pense absolument pas à la fin de la série ! Au contraire je suis au début puisque le quatrième tome va sortir dans quelque mois. Quatre tomes pour une série c'est plutôt le début je trouve. Cette question là me semble lointaine…Ce n'est pas le problème du moment, le tome cinq est déjà fini et je suis en train d'écrire le tome six. Je ne suis donc pas dans cette logique.
Mon problème actuel c'est plutôt de changer le décor, changer d'air, lefaire sortir Dumontel du Limousin. Dans le tome cinq il va à Londres, dans le tome six, que je suis en train d'écrire, il va probablement aller en Allemagne. Il se déplace. Voilà, mon souci c'est de le renouveler, de le sortir du Limousin, de l'extraire de cette géographie un peu limitée.
SV : Je viens d'avoir deux scoops là ?
FL : (Il se marre) Oui on peut dire ça !
SV : L'humour très présent dans tes livres ne s'affiche pas sous forme de longues phrases mais plutôt comme des « pets de l'esprit » pour citer Victor Hugo. Cela donne de la profondeur aux personnages ou bien est-ce un réel trait de ton caractère ?
FL : Je dirais que c'est un peu les deux. J’aime bien le trait d'humour (il hésite, réfléchit).Mais, ça va au-delà ...dans le roman noir ou le polar, ce que j'aime ce sont les frictions, les contradictions. Ça peut-être très noir, et d'un seul coup, il va y avoir quelques lignes où le lecteur va rire. C'est ce phénomène de douche écossaise qui m'intéresse. Dans cet esprit, Dumontel, mon personnage, a beau être cassé, au bord du suicide- il est fatigué, malheureux- cela ne l’empêche pas de déguster un verre de vin, et d'un seul coup, de reprendre goût à la vie. C’est cet aller-retour entre le sombre et la lumière qui m'intéresse.
SV : Dans ton premier volet des enquêtes de Dumontel « La 5ème victime », le chien de la personne qui découvre le premier cadavre s'appelle « chaussette » parce qu'il a les pattes blanches. Est-ce un clin d'œil au loup de « Danse avec les loups » ?
FL : Ah ! Je n'y avais pas du tout pensé, absolument pas. (Il m'interroge : « parce qu'il s'appelle chaussette aussi le loup ? »)
SV : Oui, il s'appelle chaussette. Quand il arrive dans son camp avancé, le personnage joué par Costner, John Dunbar, baptise ce curieux visiteur, ce loup, chaussette parce que le bas de ses pattes est blanc.
FL : C'est un film que j'ai adoré...j'ai vraiment adoré ce film ! On va dire que c'est quelque chose qui est revenu, qui a ressurgi (un peu troublé).Ce n'est pas un clin d'œil, mais en y réfléchissant je dirais que c'est un clin d'œil inconscient !
SV : Comment choisis-tu les noms et prénoms de tes personnages ?
FL : C'est une vraie question et il y a deux écoles. Il y a Simenon, par exemple, qui prenait un annuaire pour y chercher les noms. Et puis il y a d'autres auteurs très sérieux, je pense à Proust par exemple, mais il y en a d’autres. Ceux-là travaillaient pour inventer un nom. Moi je suis plus sur la logique Simenon. Mais il faut que je tombe sur un nom qui « chante bien ». Qu'il chante n'est pas suffisant, il doit aussi appartenir à la géographie, à la culture limousine. Par exemple, dans « Rendez-vous avec le tueur », il y a un personnage féminin, Chantal Frugier : « Frugier » c'est un nom très répandu en Limousin et on pourrait continuer comme ça sur bien d'autres personnages. Il y a une cohérence entre les noms des personnages et la culture locale. Quant aux prénoms, je choisis souvent des prénoms courts, « Alex, Max » etc...il faut que ça sonne, que ça rythme aussi parce que le nom et le prénom ça peut donner du punch et du rythme. Ceci dit, j’ai un personnage qui s’appelle Rachida Aïssa…pas de malentendu dans mon propos !
SV : Est-ce que le polar est la forme idéale pour décrire une société ?
FL : (Il se redresse, très impliqué) Ah pour moi oui ! Sans hésiter. Parce que malheureusement dans ce que l'on appelle la littérature blanche, et je fais exprès de revenir sur ce sujet, en France en tout cas, beaucoup trop d'auteurs se contentent ...de nombrilisme. On parle de soi, de son égo, on s'aime beaucoup…Les histoires se passent souvent dans le milieu des classes aisées, des classes bourgeoises, les avocats, les cols blancs. Je ne généralise pas, mais très souvent je pense que ça ne dépeint pas la société globale. Je le pense, et un auteur marseillais comme Del Pappas le dit aussi. Le polar en France depuis Jean-Patrick Manchette, c'est du polar social et même politique. Un roman qui parle de la façon dont notre société fonctionne, ou dysfonctionne.
Denni Lehanne , « Mystic River », entre autre ! dit : « c’est la fonction du roman noir de ramener sur le devant de la scène ceux qui que l’on préfère oublier , les exclus ».Indiscutablement, au delà des intrigues, c'est une occasion de parler de notre société. C’est Del Pappas encore, qui dit que dans un siècle, si des historiens veulent analyser ce qui s'est passé aujourd'hui, ils n'auront qu'à lire des polars ! Les polars parlent de notre société, indiscutablement. Il y a un ancrage social très fort, c'est du roman social avant tout.
SV : C'est une approche aussi plus pragmatique que le roman classique...
FL : Oui absolument, et puis on va aller explorer des milieux qui vivent vraiment, des milieux qui souffrent, qui étouffent, c'est plus intéressant.
SV : La foire du livre de Brive est une grand-messe incontournable. La région abrite de nombreux auteurs, d'où cela vient-il d'après toi ?
FL : On constate qu'en Limousin il y a deux grands salons : Brive-La-Gaillarde qui est le deuxième salon de France et Limoges qui est le cinquième. On constate en outre qu’en Limousin on lit beaucoup, on lit plus qu'ailleurs. Par exemple il n'y a pas encore longtemps, Limoges était classée dans les cinq premières villes oùon lisait le plus. Ce sont les statistiques de la médiathèque municipale. Je sais que les creusois et les corréziens lisent beaucoup également. Donc il y a beaucoup de lecteurs, il y a deux grands salons en Limousin…mais pour ce qui est des auteurs, de leur nombre-important, c’est vrai- ça reste une interrogation pour moi. Je ne fais que constater ça, je ne l'analyse pas, je ne sais pas.
SV : J'ai posé la même question à Claude Michelet et il m'a répondu que c'était probablement parce qu'en Limousin il y avait moins de choses pour nous détourner du livre, et que les gens avaient des histoires à raconter.
FL : Peut-être...peut-être.
SV : As-tu des influences littéraires outre-Atlantique ? Maintenant je sais que oui.
FL : Tu veux parler des américains ? Alors Michaël Connely oui j'ai beaucoup aimé, mais aussi Harlan Coben ( j'ai lu un ou deux, trois livres de lui), j'aime bien le personnage de Coben… Je l'ai rencontré à Brive, mais ses livres ne m'accrochent pas de façon aussi profonde que l'œuvre de Michaël Connely. Mais, je suis plutôt du côté du nord...du nord de l'Europe (son œil s'allume).Je me réclame vraiment de l'école du polar nordique. Les suédois et les islandais notamment, parce que je trouve que la géographie et cette ruralité, ces campagnes difficiles, rudes, avec des saisons tranchées, ça pèse sur les psychologies, ça mine, c'est ça qui me plait. Et chez nous en Limousin c'est semblable : les hivers sont rudes, la zone est rurale avant tout, l'isolement donne du relief à l'histoire, on met en avant la solitude des gens qui vivent chez nous. Les longs hivers, les pluies, le brouillard…. de ce point de vue là je suis beaucoup plus du nord. Je ne suis pas un latin.
SV : Pour écrire ses romans et particulièrement ses nouvelles, Stephen King part d'une situation, et toi ?
FL : Ce n’est pas mon cas, et on pourrait même rajouter que d'autres auteurs partent d'un lieu. Ils disent qu'il leur faut d'abord un « lieu ». Moi j'ai l'idée d'une histoire, j'ai une sorte de synopsis dans la tête, j'ai ma trame, mon thème. C’est très court, je peux le raconter en cinq minutes à quelqu'un. Après je me lance mais je ne sais pas où je vais. Je ne construis pas, je ne structure pas, je ne fais pas de plan, je me laisse aller au fil de l'histoire et j'avance en même temps que mes personnages. Ce sont eux qui très souvent me guident. La fin, je l'ignore totalement, mais c'est ça qui est génial pour un auteur, il se retrouve dans l'aventure …
SV : On se fait déposséder par les personnages …
FL : Absolument, c'est exactement ça, c'est le personnage qui commande. D'une certaine manière, c'est un peu la situation, mais elle n'est pas à la genèse. La situation, les situations, font, que l'on ne peut plus faire n'importe quoi.
SV : Dans tes polars la musique est très présente, un genre très précis. Est-ce que ce style fait bon ménage avec ce genre de littérature ou est-ce juste une occasion de promouvoir une musique que tu apprécies ?
FL : J'apprécie cette musique, le rock metal, mais surtout, je trouve que ça va bien avec le polar. Je vais te donner un exemple : j'adore Olivier Marchal ; je trouve que c'est l'auteur français le plus doué au niveau du cinéma et de la télévision, et il ne copie pas les américains, il a trouvé un style très efficace, très réaliste …
SV : Il sait de quoi il parle !
FL : Bien entendu. Dans « Le gang des lyonnais » , avec un admirable Lanvin, durant les cinq premières minutes du film, on entend un morceau que j'adore, un morceau mythique de Deep Purple...J'ai trouvé que c'était parfait. Cette musique qu'onappelle le rock métal colle bien à cet univers. Quand j'écris, j'écoute cette musique et ça donne du rythme, ça rythme mon écriture, ça l'influence. Et ce n'est pas étonnant que ces deux genres se marient bien. Ils ont été marginalisés tous les deux. Le rock metal est considéré comme une « sous musique », quelque chose d'underground. Le rock métal c'est le mauvais garçon de la musique, comme le polar a été le mauvais garçon de la littérature. Alors ils ne pouvaient que bien s'entendre ! Dans les deux il y a quelque chose de rebelle, il y a de la rébellion.
SV :Dernière question déjà !, le livre numérique représente la Némésis pour certains, un nouveau souffle pour d'autres, qu'en penses-tu ?
FL : Ça c'est une question extrêmement importante. On a beau dire qu'en France le numérique est à 2%, il augmente régulièrement. D’ailleurs tu le sais peut-être, ce qui est le plus téléchargé, c'est le polar. Aux Etats-Unis le numérique a pris une ampleur considérable. Je pense que le numérique va continuer à augmenter, parce qu'il y a un phénomène générationnel. Mais je ne crois pas à la disparition du livre, sauf peut-être le livre de poche. Le livre de poche finalement sera peut être remplacé par la tablette. Mais le téléchargement sera un complément, c'est à dire que les gens vont télécharger un roman, il vont le trouver bien et ils achèteront ensuite le livre pour le toucher, le sentir, feuilleter les pages, faire des annotations pourquoi pas. Je me trompe peut-être, mais je pense que ce sera complémentaire.
SV : Et puis c'est difficile de faire dédicacer une tablette !
FL : Absolument, si jamais il n'y avait plus que des livres numériques, ce serait la fin des salons, la fin des dédicaces et donc la fin des rencontres entre les auteurs et les gens qui lisent, ça c'est une vraie question.
SV : Merci Franck …
FL : Merci Sébastien.
Un écrivain que j'aime interviewé par un écrivain que j'aime = un interview que j'aime. Les questions volent haut, les réponses aussi, forcément!http://christianlaine.centerblog.net
Très bon reportage comme d'habitude, tu nous permet de voir l'envers du décors. Comment l'auteur décide de l'écriture d'un livre. C'est une question que je me suis souvent posée et grâce à toi j'ai des réponses, je m'aperçois que pour chacun d'eux c'est différent. A présent en lisant un des livres que tu présentes, on peut imaginé le travail de l'auteur.Merci Sébastien, et merci Monsieur Linol.
Françoise "la boulangère"
PS : Monsieur Linol connait il ta profession ??
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