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merci pour ton superbe commentaire sur cette chanson des plus marquantes de dire straits. comme toi, sans comp
Par Anonyme, le 01.10.2025
l’interprét ation de joan baez arrive encore à magnifier cette magnifique chanson
Par Anonyme, le 18.06.2025
merci pour cette analyse tellement juste de notre génie poète.
ce fût un plaisir de vous lire
Par Anonyme, le 06.06.2025
merci pour cette traduction.
j'écoute très souvent cette chanson riche de ce message qui exprime la bêtise h
Par Anonyme, le 24.05.2025
je pense et même je le souhaite au plus profond de moi, qu'un jour une école de france pays initiateur des dro
Par Anonyme, le 02.10.2024
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Date de création : 08.07.2011
Dernière mise à jour :
11.10.2025
442 articles
Je me suis toujours demandé pourquoi la plupart des journalistes se contentaient de résumer Francis Cabrel par l’adjectif « Poète ». Sans doute à cause de la paresse. Quand on a jeté « poète » en pâture aux auditeurs ou aux téléspectateurs, on a sans doute le sentiment du devoir accompli, et puis c’est de notoriété publique, alors enfoncer une porte ouverte, c’est moins douloureux pour les épaules.
Pourtant il y a tant à dire sur le travail de cet auteur-compositeur-interprète. Depuis toujours, son écriture parle de la société, sa couleur très sociale me semble au moins aussi engagée et critique que celle de Bernard Lavilliers, par exemple. Mais l’image est tenace, avec, à ses débuts, ses longs cheveux de babacool avec la raie au milieu, sa grosse moustache et sa guitare sèche de folk, c’était probablement plus simple de parler de la surface que du contenu. Pourtant Cabrel vient de Dylan, Neil Young, Léonard Cohen et de Joan Baez, du blues, ça aurait alerter les journaleux.
Depuis toujours il y a un regard chez Francis Cabrel, qui porte là où s’installent l’injustice et la souffrance, là où s’enkystent le désarroi et la solitude. Déjà, en 1979, avec l’album Les chemins de traverse, et le titre éponyme, il parle de deux marginaux qui se sentent complètement étouffés par le monde tel qu’il est et une société qui les rejette. Dans cette chanson d’une grande poétique, on peut entendre quelques phrases lancées comme des flèches qui disent « qu’on leur a jeté des pierres et lâché les chiens ». Le tout emballé par cette phrase sublime « et tu m’as dit, quand leurs ailes sont mortes, les papillons vont où le vent les porte ». Toute ma vie je regretterai de ne pas l’avoir trouvée, celle-ci !
Mais l’énorme tube Je l’aime à mourir a sans doute masqué tout cela et planté le décor d’un chanteur romantique à souhait. Mais même avec cette chanson, il y a beaucoup à dire. C’est avant tout le portrait d’une femme, forte, indépendante, l’homme est relégué au rang de narrateur, il ne parle pas de lui mais d’elle. Elle a dû faire, toutes les guerres, pour être si forte aujourd’hui, elle a dû faire toutes les guerres, de la vie, et l’amour aussi.
Mais déjà précédemment, sur l’album Les murs de poussière, paru en 1977, encore le titre éponyme (si ça n’est pas un signe et une volonté délibérée quand-même !), l’auteur nous sert le portrait d’un homme rural attiré par les lumières de la ville, qui se laisse griser par des désirs falsifiés puis qui revient chez lui vidé et vaincu, harassé par la déception. En réalité, il avait déjà tout ce qu’il lui fallait à l’endroit de ses racines.
En 1980, sort l’album Fragile. On y trouve La dame de Haute-Savoie. Et ces paroles : quand je s’rai fatigué de sourire à ces gens qui m’écrasent, quand je s’rai fatigué de leur dire toujours les mêmes phrases…quand je s’rai fatigué d’un métier où tu marches ou tu crèves, lorsque demain ne m’apporteras que les cris inhumains d’une meute aux abois…Quand j'aurai tout donné tout écrit, quand je n'aurai plus ma place, au lieu de me jeter sur le premier Jésus-Christ qui passe, je prendrai ma guitare avec moi et peut-être mon chien s’il est encore là…
Les préoccupations sociales deviennent évidentes avec l’album Carte postale, en 1981. Encore une fois, le titre de l’album est celui d’une chanson très forte, qui parle de l’arrivée de la télévision dans les foyers et des conséquences que cela a sur le tissu social. Jusque dans les anfractuosités de la famille. Avec la chanson Répondez-moi (comme je l’aime celle-là !) il traite de l’exode rural et du déracinement (et cela pourrait être le personnage principal des murs de poussière qui narre son aventure à la ville), et le discours écologique est prégnant : je vis dans une maison, sans balcon sans toiture, où y a même pas d’abeilles sur les pots de confiture, y a même pas d’oiseaux, même pas la nature…mon ami le ruisseau dort dans une bouteille en plastique…Le thème de la solitude et des classes sociales transpire aussi : pour s’effleurer la main, il faut des mots de passe, pour s’effleurer la main…
Avec Ma place dans le trafic (en cinquième position sur l’album) il frappe fort. C’est le quotidien gris et triste d’un citadin contraint de se lever chaque jour aux aurores pour aller gagner sa croûte (et chaque matin je promène une lame sur mes joues avant de prendre ma place dans le trafic…celui qui m’emploie me donne pas assez pour survivre et trop peu pour m’enfuir…) C’est cinglant, ça pique, ça résonne. Que dire du titre Chauffard, lui aussi planté dans une société devenue folle.
En 1983, c’est l’album Quelqu’un de l’intérieur qui débarque dans les bacs. Et dedans, une chanson énorme, Saïd et Mohamed. Le chanteur a des grands-parents aux racines italiennes, il a une idée de ce que c’est que d’être un étranger qui arrive dans un pays où il n’est pas le bienvenu. C’est pour moi, une de ses plus grandes chansons. Dedans, il traite des métiers peu valorisants qu’on a laissé aux immigrés, de la constitution des ghettos à étages, du mur d’en face comme horizon, du déracinement (encore). Leïla et les chasseurs aborde le thème de la femme en tant que proie, objet de consommation. Il y reviendra bien plus tard avec la chanson Noceur, traité d’une autre manière, avec un texte focalisé sur l’homme. Edition spéciale parle d’un homme très seul, qui se fuit et cherche refuge dans les flots d’information pour éviter de penser vraiment. La télévision, déjà abordée dans Carte postale et Répondez-moi devient un thème récurrent.
Les chevaliers Cathares parle d’une société qui oublie son Histoire et passe devant des statues comme devant des magasins (et les poubelles devant…). En filigrane, on entend aussi le reproche sur le fait que l’histoire est écrite par les vainqueurs, sur le mensonge ou l’omission (c’est sûrement quelqu’un du dessus de la Loire qui a dessiné les plans, il a oublié sur la robe, les taches de sang)
Le temps s’en allait, sublime chanson, encore une de mes préférées, qui met en scène un vieil homme qui se souvient de sa jeunesse, qui parle du temps qui passe trop vite, de la peur de la mort : et dans le froid qui s’approche, j’ai peur que les cloches chantent bientôt mon prénom (putain cette phrase !!!) ou encore : dis-toi que le temps passe vite et que la poussière t’attend…
Avec Photos de voyages, sorti en 1985, on trouve l’incroyable chanson Tourner les hélicos, qui aborde le thème de l’autocentrisme, de la grande hypocrisie sociétale lors du surgissement d’un terrible évènement qui a lieu ailleurs dans le monde, sur le manque d’empathie et de compassion, sur la bonne conscience qu’on achète en faisant un don à une association. Francis Cabrel parle de la grande différence entre nos petits soucis d’occidentaux et les ravages de la haine dans le monde, de notre mémoire à très court terme : et même si parfois t’as de l’eau dans le regard, à la première pub qui passe tout le monde se marre, elle, elle entend tourner les hélicos… y a des villes qui se réveillent sous les coups de roquettes, toi tu sirotes ton whisky le cul sur ta moquette…
La chanson Qu’est-ce que je viens de dire parle de la société qui ne ménage pas une place à tout le monde, des profils atypiques qui sont laissés au bord du chemin. Chanson autobiographique, on comprend à travers elle que si Francis n’avait pas eu cette capacité à écrire, cela aurait été très dur pour lui. Dans ce monde, il n’y a pas de place pour les rêveurs.
Le lac huron parle de la colonisation et de l’écrasement d’une culture engloutie dans la vague occidentale : t’as pas eu le temps de prendre tes racines avec toi…on a vu tomber au pied du visage pâle le dernier caribou…
En 1983, il enregistre à Toulouse le titre La fabrique qui est une adaptation d’une chanson de James Taylor (Milwork). Ce titre met en scène une femme à la première personne du singulier. Chanson sur le déterminisme social, on est bouleversé par cette femme qui s’use à l’usine (le premier rêve qui passe m’aide à tenir jusqu’à midi) en pensant à ses rêves perdus, ses espoirs déçus et son mari qui « s’étouffe dans son alcool ».
En 1989 arrive Sarbacane qui livre des perles à la pelle. Animal, entre autres, qui parle des faux-semblants dans les rapports humains, des masques qu’on porte pour séduire. Tout le monde y pense, terrible texte, peint cette société, ce monde, où la haine court et où l’amour et la fraternité se font rares, c’est dit avec des mots parfaits qui touchent au cœur : Y a des gens plein les urgences, sous les lumières des abat-jours, qu’attendent leur billet retour, d’amour d’amour d’amour…ces femmes qui avancent, en tenant au bout de leurs bras, ces enfants qui lancent, des pierres vers les soldats…(très actuel hein)
Et il va en aller ainsi dans chacun des albums suivants de l’artiste. Je peux citer Les cardinaux en costume, African tour qui parle avec beaucoup de douceur et d’empathie du déracinement (encore un thème récurrent à nouveau travaillé avec On arrive demain, qui sert de bande-son au film Pour l’honneur), de Cent ans de plus, merveilleuse chanson sur l’esclavage, MadameX sur la misère et la désespérance chez nous, ces deux bombes qui menacent d’exploser à très courte échéance. Mademoiselle l’aventure (si vous ne pleurez pas à son écoute, votre cœur est de pierre), texte sur l’adoption tiré d’une expérience personnelle.
Comment ne pas parler de La corrida, terrible chanson sur cette abomination racontée par le taureau lui-même. Sur ce même album, le sensationnel Un samedi soir sur la terre, on peut entendre aussi L’arbre va tomber, fable écologique très pertinente. Assis sur le rebord du monde met en scène Dieu qui revient voir, très longtemps après l’avoir créée, ce que la Terre est devenue. Sans concession, ce titre met en lumière la dérive humaine au fil du temps, jusqu’à la décadence. Enfin, Les vidanges du diable, une merveille de chanson Noire, dans laquelle un chômeur se raconte. Terrible, émouvant, un grand titre.
Si ce n’était pas déjà le cas, j’espère que vous verrez l’œuvre de cet artiste sous un jour nouveau, portée par des textes ciselés et puissants. Le barde gratte là où cela fait mal.
Crédit photo Claude Gassian