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l’interprét ation de joan baez arrive encore à magnifier cette magnifique chanson
Par Anonyme, le 18.06.2025
merci pour cette analyse tellement juste de notre génie poète.
ce fût un plaisir de vous lire
Par Anonyme, le 06.06.2025
merci pour cette traduction.
j'écoute très souvent cette chanson riche de ce message qui exprime la bêtise h
Par Anonyme, le 24.05.2025
je pense et même je le souhaite au plus profond de moi, qu'un jour une école de france pays initiateur des dro
Par Anonyme, le 02.10.2024
mon dernier commentaire semble avoir été coupé. avec le smartphone c'est moins pratique. je disais que j'avais
Par Michèle Pambrun , le 15.08.2024
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Date de création : 08.07.2011
Dernière mise à jour :
06.09.2025
438 articles
Trois mille chevaux-vapeur
Antonin Varenne éditions Albin Michel
Dans une année de lecteur on éprouve pas mal de sentiments forts. On ressent des coups de cœur, parfois des déceptions, d’autres fois on reste sur un sentiment bancal, comme un goût d’inachevé. J’ignore si c’est de la chance ou du flair, mais je suis très rarement déçu par un livre. Et celui que je vous présente aujourd’hui m’a ravi à un point difficile à expliquer.
Mois d’août 2015. Salon du livre de Felletin dans la Creuse. Sur la route pour s’y rendre, un temps pourri, des trombes d’eau tombent d’un ciel dévasté. Arrivé sur place, nous sommes bénis par une éclaircie, comme un écrin de beau temps dans la tempête. Parmi mes achats, Antonin Varenne, calme et très souriant, il me transperce de ses yeux bleus. On discute, le courant passe. Je repars avec 3000 chevaux-vapeur et une belle dédicace.
Un an plus tard, débusqué d’une de mes étagères, le roman est avalé en quelques jours.
Avec ce roman d’aventure, Antonin Varenne convoque Jack London, Jules Verne, Mark Twain et Robert-Louis Stevenson, rien que ça.
Dès les premières pages un souffle épique vous emporte, loin, très loin, il y a 160 ans.
1852. Nous faisons la connaissance avec le sergent Arthur Bowman. Un homme dur, un homme sans attaches, un homme au cœur de pierre et un buveur, un homme de son temps. Il est au service de la Compagnie des Indes, entreprise colossale devenue aussi puissante que la Couronne britannique. Cette Compagnie, financée par des actionnaires londoniens possède sa propre armée et sa propre flotte de guerre.
Le sergent Arthur Bowman est en campagne sur la terre des Indes. Basé à Pallacate, il est envoyé avec ses hommes à Madras pour embarquer sur une flotte prête pour faire la guerre à la Birmanie et son roi, Min. C’est que les affaires sont les affaires, et la Compagnie ne va pas renoncer au commerce pour si peu. Avec ses milliers de cipayes (des autochtones enrôlés) la Compagnie des Indes s’apprête à attaquer Rangoon. Alors que les chefs militaires attendent avec la patience du combattant l’arrivée du vent pour remonter le fleuve, le sergent Bowman est convoqué chez le major Cavendish, commandant en second de la flotte. On lui confie une mission d’un extrême secret. Avec vingt hommes choisis parmi les autres militaires, il part sur un navire pour remonter l’Irrawaddy et intercepter un émissaire espagnol qui doit négocier avec Pagan Min. Mais tout ne se passe pas comme prévu, comme c’est souvent le cas dans une opération militaire.
Quelques années plus tard, le sergent Bowman, rentré de captivité, amoché et traumatisé, diminué et poursuivi par des fantômes aux yeux bridés, travail comme policier sur les docks de Londres. Le retour sous le joug de Westminster ressemble plus à un crash qu’à une reconversion. Oisiveté, opium et alcool, violence et déshérence sont le quotidien d’Arthur Bowman. Une sécheresse historique est en train de transformer Londres en égout à ciel ouvert. Les chiottes des londoniens, leurs eaux usées, tous leurs déchets, stagnent dans une puanteur infernale. La Tamise, fleuve souverain, n’est plus qu’un magma de merde méphitique réduit à un marécage que l’on peut traverser à pied.
Dans cet enfer, un enfant alerte le sergent Bowman. Il a trouvé un cadavre mutilé avec une férocité qui terroriserait le plus solide des hommes. Dans ce tunnel sombre et rempli de miasmes, le sergent Arthur Bowman voit le diable en personne, et sur le mur, inscrit avec le sang de la victime, ce mot, comme une injonction, une promesse, Survivre.Mais le pire n’est pas dans les conséquences, il réside dans les causes. Dans les atroces lacérations qui festonnent le corps du mort, dans l’acharnement qui a déferlé sur lui, Bowman reconnaît immédiatement les stigmates de ce qu’il a enduré avec ses neuf hommes survivants, dans les geôles birmanes, dans l’humidité de la jungle. Le macchabée porte exactement les mêmes cicatrices et blessures que lui et ses camarades d’infortune. La réalité éclate dans son crâne : l’auteur de cette monstruosité est un de ses anciens soldats.
Mais le temps a passé, les temps ont déjà commencé à changer. Le sergent Bowman est un dinosaure. Les hommes comme lui font peur, les nouveaux esprits qui dirigent la ville ne veulent plus de ces guerriers violents et imbibés, un monde nouveau est en train de naître et Bowman et ses semblables ne sont pas invités. Figés dans la peur, les responsables de la police soupçonnent Bowman d’être l’auteur du crime. La seule solution pour lui est coincer le coupable.
L’enquête méticuleuse que démarre notre sergent va le mener dans la périphérie de Londres, puis par-delà l’atlantique, dans le jeune pays des Etats-Unis d’Amérique. Là-bas, aux trousses du tueur dont il ne connaît pas encore l’identité, il va découvrir un monde incroyable, dans lequel tout est encore possible, même le rêve. Un pays où les pires des pires côtoient les meilleurs. Un pays par le truchement duquel le sergent Bowman va en apprendre sur lui beaucoup plus qu’il ne l’aurait jamais imaginé.
Dans une suite d’évènements passionnants et d’une extrême documentation, Antonin Varenne nous embarque dans une formidable histoire, d’une plume agile et puissante comme 3000 chevaux-vapeur, il ressuscite « le grand roman d’aventure » qui a bercé tant de générations. De la moiteur étouffante des Indes en pleine mutation, en passant par le fleuve Irrawaddy, indomptable et mystérieux, des rues sales et mal famées d’un Londres noir et cruel aux horizons fabuleux et presque illimités de l’Ouest américain, nous voilà mêlés à une furieuse cavalcade pour la survie et pour la rédemption. Dans la frénésie de la poursuite de la vérité, menotté par l’obsession de ses traumatismes, le sergent Bowman va peu à peu réaliser qu’une autre vie est possible. En inscrivant ses pas lourds de tant de peines et de mauvais rêves dans les traces sanguinolentes de l’assassin sans visage, Arthur Bowman envisage son existence sous un angle nouveau et se rend compte incrédule, qu’il est encore capable d’espoir.
Avec le style éblouissant qu’on lui connaît, l’auteur nous offre de grands moments au rythme régulier des pages qui tournent comme les vagues lèchent en chantant les rives de l’Amérique. A l’instar du grand Jim Harrison, il nous rappelle en passant que la nature, si belle soit-elle, n’est pas un paradis et qu’elle n’a rien à offrir que nous n’ayons la capacité d’apprécier. Comme dans ce passage : Arthur avait déjà traversé des déserts, mais avec toute l’intendance et les ressources d’une armée. Si thoreau s’était réellement lancé dans cette chevauchée, peut-être qu’il n’aurait pas oublié de parler de la solitude dans laquelle la nature pouvait aussi vous abandonner.
Mais au-delà du récit, fameux, Ce sont les détails qui impressionnent. La manière dont Antonin Varenne nous peint l’Inde, la vision colonialiste des anglais et de l’homme blanc en général, l’oppression des habitants qu’ils appellent « leurs singes », dont la vie ne vaut pas plus que le fouet qui sert à les faire obéir, tout cela est hallucinant.
Mais l’auteur n’est pas en reste avec la capitale de la Couronne. La description des rues étroites et crasseuses, la misère qui s’écoule de ces faubourgs qui se meurent lentement tandis que le centre-ville reluit et s’enrichit, l’odeur pestilentielle qui recouvre l’agglomération, son économie centrée sur le fleuve et le port en perpétuel agrandissement, tout respire la vérité et on est estomaqué de réaliser que la course folle de notre monde a débuté à cette époque précise.
Et l’auteur se sublime quand il passe dans le « nouveau monde », l’Amérique jeune et ambitieuse, assoiffée de territoires et d’espaces, et de richesses. Un pays qui se construit avec les bras des opprimés qui ont fui l’Europe mais qui n’hésitent pas à spolier les tribus indiennes et à les exterminer sous le prétexte qu’elles sont un frein au progrès. Un progrès au bien triste visage. Le récit de ce pays qui se métamorphose toutes les semaines, ce pays où des villes meurent aussi vite qu’elles naissent, un endroit où tout va trop vite, comme si les destins s’échappaient des mains des pionniers.
C’est dans ce décor fou que l’auteur vous entraine avec ces pages furieuses et pleines de vie et de mort. Voici un morceau de choix : Les fers de Walden (un cheval) et sa respiration faisaient le bruit d’un fantôme se traînant sur les dalles de pierre. La lune se reflétait sur les façades blanches, illuminant la potence dressée et le corps immobile, suspendu à deux mètres du sol. La bête soufflait et son cavalier, encore abasourdi par la chevauchée, contempla le pendu gris de lune. Le visage du nègre était gonflé comme celui d’un noyé, sa langue énorme tombait sur son menton.
Je parie que vous y étiez, un court instant, sur la piste poussiéreuse, sur ce cheval fourbu, courbaturé et la tête levée vers ce pendu en clair-obscur.
Si vous ouvrez ce roman, cette chevauchée, vous allez voyager en géographie mais aussi voyager dans le temps. Une époque dure et incroyable.
Ce roman fait partie de ceux qui resteront et que je partagerais avec mes amis, je vais le faire vivre, voyager à son tour, de mains en mains, sous des yeux étonnés de tant de souffle.
C’est votre tour, faites votre sac, attendez-vous à de grands moments et à vivre des instants difficiles, mais au bout du compte, il restera l’émerveillement.